Première déception de cette sélection du festival, Visage (section parallèle “Noves Visions”), de Tsai Ming-Liang. L’auteur de La Saveur de la pastèque (2005) nous entraà®ne au Louvre pour le tournage d’un film sur à Salomé (Laetitia Casta) et le roi Hérode (Jean-Pierre Léaud). Au générique de cette co-production avec le musée du Louvre, Fanny Ardant, Nathalie Baye et Jeanne Moreau. Une Nuit américaine, donc, un film dans le film, une mise en abyme qui nous conduit ici dans une certaine forme de néant absolument détestable. Fanny Ardant, toujours aussi sublime, est bien meilleure quand elle joue autre chose que Fanny Ardant, dernier amour de François Truffaut. Le film est une succession de plans-séquences interminables chers au cinéaste qui n’ont souvent aucun intérêt sinon celui de souligner le vide d’un scénario qui laisse bien trop de place à l’esthétique esthétisante. Laetitia passe les trois-quarts du film munie d’une bande velcro noire pour empêcher les reflets des miroirs ou la lumière de filtrer des fenêtres, de venir caresser son visage, le ternir… Car le visage, comme son titre l’indique, est le sujet central du film. Le visage des acteurs, bien évidemment, leur passeport pour l’éternité cinématographique. Casta interprétant une actrice trouvée là , sur un plateau, en raison de sa peau diaphane et de sa grande beauté. Jean-Pierre Léaud/Antoine dans le film (évidemment), y est quasiment ridiculisé. Il apparaà®t en vieux fou décati (la scène du moineau dans le jardin des Tuileries o๠il s’engouffre dans une litanie imbuvable, égrainant le nom des réalisateur du XXe siècle et faisant le clown avec un moineau qu’il appelle Titi). Autant dire, le rà´le d’un acteur qui aurait perdu toute consistance à la mort de son mentor François Truffaut… Antoine Doinel et les affres de l’existence. Nous, éternels amoureux de la Nouvelle Vague et de ses acteurs, étions tristes pour le héros, tant adulé, des 400 coups. Qu’est-il allé faire dans cette galère?à Troublé par l’énorme responsabilité d’une ode à François Truffaut et ses acteurs fétiches, Tsai Ming-Liang s’est embourbé dans une oeuvre qui, plutà´t que de servir la Nouvelle Vague, lui rend un hommage glacé et sans saveur. Troublés, voilà la question : Jean-Pierre Léaud êtes-vous vraiment devenu fou comme le susurre la rumeur?
The Countess, de la Française Julie Delpy, est un voyage dans la Hongrie et l’Autriche du XVIIe siècle, la guerre contre les Turcs, le chaos, la politique, le sang. Le sang venu d’un rêve d’éternel jeunesse, le cauchemar, l’obsession de la légendaire comtesse Erzebet Bathory dont la légende raconte qu’elle a massacré des milliers de jeunes filles vierges pour s’abreuver de leur sang pur, gage de beauté. Les décors et costumes, la lumière sublime des images, tout est somptueux. La comtesse, Julie Delpy, est plus belle que jamais. Des images à l’esthétique picturale (on pense à l’école hollandaise). Erzebet Bathory està amoureuse du jeune Istvan, de 20 ans son cadet, il est l’image de cette beauté et jeunesse éternelles qu’elle rêve d’atteindre. Elle ne pourra jamais l’épouser en raison d’un différent sentimental et politique avec son père qui l’expédie loin de la troublante et intelligente comtesse. Inquiétante tout au long du film, Julie Delpy, grâce à un sublime traitement de l’image, montre une comtesse au visage semblable à celui d’une adolescente, et capable de vieillir selon son humeur (les plans face au miroir). Tout est dans sa tête. Elle s’imagine des rides. Elle a 39 ans quand démarre son idylle avec le jeune Istvan… Car tout est là , l’angoisse du temps qui passe et de ne plus plaire à l’élu, si jeune, si frais, si beau. La réalisatrice et musicienne (elle est l’auteur des partitions au piano qui portent des images d’une esthétique à la fois flamboyante et sombre comme les tableaux de Vermeer, Rembrandt…). Elle transmet la souffrance de cette comtesse et son rêve absolu de défier le temps et la mort, folle. Et, malgré la dureté de ses actes barbares (les scènes de tortures des jeunes filles pour les vider lentement de leur sang, le récupérer pour en faire un onguent d’immortalité), on compatit. Qui n’a pas caressé le souhait d’être toujours jeune? Condamnée pour hérésie, la comtesse Bathory échappera aux flammes mais finira emmurée dans sa propre chambre (aux miroirs interdits, un comble!)…
Grace (Canada-Etats-Unis) de Paul Solet, est un film qui casse tous les clichés de la cellule familiale (la future et gentille maman, la belle-mère acariâtre, les bébés doux…). Il défie le spectateur à travers cette histoire cauchemardesque de femme sur le point d’accoucher, qui perd son mari dans un accident de voiture dont elle réchappe. Mais à quel prix! L’accouchement provoqué d’un bébé mort… Et, ressuscité! Il s’ensuit un huis-clos claustrophobe dans une maison qui finit par devenir une sorte de miroir de l’état d’isolement de la mère. La maman psychotique et son bébé pas comme les autres, Grace, qu’elle veut absolument protéger de la mort et de tout, à de sa belle-mère qui tente de le récupérer, pour le sauver des griffes d’une mère traumatisée par la mort d’un époux. Un bébé qui boit des biberons de sang (un zombie? un vampire?). Une maman dont l’addiction au soja et au bio de tous poil frise le ridicule (le réalisateur s’en donne à coeur joie pour démystifier aussi la sacro-sainte institution du marketing du bien-être). Et qui propose des biberons de sang à sa fille fraà®chement revenue à la vie (les steaks de boeuf achetés avec frénésie au supermarché du coin, grande scène qui mène en bateau le spectateur puisque la maman est végétarienne…).à Une tension magistrale grâce à des gros plans sur le visage de bébé qui devient terrifiant à et de son hystérique de mère ( Samantha Ferris y est inquiétante à souhait et rappelle Nicole Kidman dans Les Autres, à de Alejandro Amenabar, voire Catherine Deneuve et sa psychose meurtrière dans Répulsion, de Polanski). Il n’y a pas de doute, Paul Solet adore Roman Polanski (lui!), et vogue entre Rosemary’s baby et Répulsion, s’il l’on joue aux jeux des comparaisons, mais sans imiter, c’est là toute l’excellence du cinéaste. A suivre de très près…
Le festival continue jusqu’au 12 avec, entre autres, les très attendus The Imaginarius of Dr Parnassus, de Terry Gilliam, Enter the Void, de Gaspar Noé, Youth without youth, de Francis Ford Coppola…
à©à Corinne Bernard, oct. 09.