Ildefons CerdàPiétons, chauffeurs de taxis, livreurs, automobilistes, cyclistes et motards… Malgré les embouteillages quotidiens, tous peuvent lui dire merci. Le plan de Barcelone imaginé il y a 150 ans par Ildefons Cerdà, est aujourd’hui fierté de la ville et référence mondiale.

© Dominique Chidaine – vivreabarcelone / photos: vivreabarcelone – anycerda.org – DR

Dans la première partie du XIXe siècle, la cité condale est une ville historique repliée sur elle-même, coincée entre la mer et les murailles. Les conditions de vie sont plutôt précaires et les habitants, en augmentation constante chaque année, vivent dans une certaine promiscuité, faisant de la capitale catalane l’une des villes les plus denses au monde. Pour monter dans le train de la modernité et accompagner le développement urbain, les têtes pensantes de l’époque souhaitent étendre la ville et demandent à plusieurs architectes de travailler sur la question. C’est finalement Ildefons Cerdà  qui remporte l’appel d’offre. Son projet ? une ville moderne, dotée de rues d’une largeur minimum de 20 mètres, bien ventilées et bien ensoleillées. Pour parvenir à  leur projet, Cerdà  et son équipe ont étudié deux phénomènes : la topographie des alentours du centre historique, mais aussi les conséquences de la promiscuité intra-muros de l’époque, à  l’origine de la prolifération d’épidémies. L’idée générale du projet est donc de proposer une cité ouverte et joyeuse, où riches et pauvres pourraient bénéficier des mêmes conditions de vie.

Des termes urbanistiques célèbres

Carte du projet Cerda
Le projet Cerdà  se caractérise d’abord par un quadrillage systématique des lieux, présentant des avenues et des rues parallèles coupées par trois axes symboliques pour relier facilement les quartiers avec le reste de la ville et l’extérieur : l’Avinguda Diagonal, la Meridiana et l’Avinguda Paral-lel. Dans son étude, l’architecte introduit de nombreux termes qui font aujourd’hui de Barcelone une référence mondiale en matière d’urbanisme. Ainsi les pâtés de maisons, appelés Manzanas, se présentent sous forme d’octogones. Ils accueillent des immeubles d’habitations à  la hauteur contrôlée ; à  l’intérieur, un carré sera occupé par des jardins et potagers. Cerdà  ira même jusqu’à  réfléchir à  divers modèles d’habitations, celles-ci ne comportant pas plus de cinq étages. Chaque carrefour est dénommé Xamfrà (Chanfla en espagnol) et se présente comme une place naturellement bien éclairée et vivante, autour de laquelle s’implantent les petits commerces et où les piétons peuvent se retrouver. La superficie des Xamfres est volontairement maîtrisée afin de se rapprocher de celle des places historiques de la ville. Le but étant là  aussi de faire cohabiter les activités et de favoriser la relation humaine, aidé en cela par un mobilier urbain spécialement dessiné. On n’oubliera pas les milliers d’arbres plantés à  travers la ville et qui restent bienvenus pour apporter oxygène et fraîcheur lors des journées estivales caniculaires. Dernier terme toujours dans les esprits, celui de l’Eixample (« extension » en catalan), nom du quartier gagné sur la campagne et qui concentre la majorité des manzanas.

Résolument visionnaire, le plan Cerdà  n’emporte pourtant pas tous les suffrages et il faudra attendre l’impulsion d’une seconde figure : celle de Francesc Rius i Taulet. Ce maire emblématique est convaincu que le plan Cerda peut unir la ville nouvelle avec les villages de l’époque : Gracia, Horta, Les Corts et Sarrià. L’extension pouvait alors passer à la vitesse supérieure et cette disposition urbaine sera accompagnée au cours de décennies suivantes d’oeuvres des architectes catalans les plus talentueux (Gaudi, Puig i Cadafals) ainsi que d’entrepreneurs légendaires comme Louis Moritz. Au fil des siècles, le plan Cerda a été suivi à  la lettre puisque l’Avinguda Diagonal, tracée très tôt vers le Llobregat, a vu son accès à  la mer ouvert seulement au début des années 2000 avec la création du Forum. Quant au quartier 22, il vise la réhabilitation d’anciennes industries et la construction de nouveaux édifices, alignés le long de nouvelles voies et de chanflas qui respecteront elles aussi le projet originel.

Et dans 150 ans ?

Vue aérienne de l'Eixample

Beaucoup pensent que le plan Cerdà  va naturellement connaìtre une évolution dans les années à  venir. Désormais on parle de déplacement à  pied, en vélo ou en Bicing, en transports en commun… beaucoup moins en voiture individuelle. Le vert envahit la ville, comme sur l’Avinguda Roma où le flot de circulation a laissé place à  une forêt. Toute intervention future dans l’Eixample se fera donc au profit de l’être humain. Et pour rendre plus faciles les trajets des piétons, le sous-sol sera également l’objet de bien des transformations (c’est le cas avec la construction de la ligne 9 du métro). L’objectif est de connecter le voyageur souterrain avec un maximum d’offres complémentaires comme le vélo, le bus ou le tramway. D’où la nécessité de repenser l’espace public, ce que la ville tente de faire en réformant la Diagonal. Il faudra s’y faire un jour : à  Barcelone comme dans d’autres villes “ plus en avance « , l’automobile ne sera plus la bienvenue. Moins d’autos, moins de pollution… comme pour tenter de se retrouver dans l’ambiance d’il y a 150 ans.

Les manzanas réhabilitées

Si Cerdà  avait imaginé une ville verte où chaque îlot d’immeubles accueillerait en son sein jardins et potagers, la révolution industrielle qui a accompagné le développement de Barcelone a bien souvent vu ce rêve vert partir en fumées polluantes : ateliers, entreprises, cheminées envahissent les centres des manzanas jusque dans les années 80. La municipalité réfléchit alors à  les réhabiliter peu à  peu, initiative qui suit son cours aujourd’hui encore. Des espaces verts de toutes tailles, souvent dissimulés derrière des porches s’éparpillent à  travers l’Eixample et une grande majorité est ouverte au public. Voici la liste des lieux à  voirà  (toutes les infos sont également sur le site catalan http://www.proeixample.cat/).

L’illa Torre de les Aigües, platja de l’Eixample.- Roger de Lluria, 56
Des anciennes installations industrielles de ce quartier subsiste une tour de brique construite en 1867 par Josep Oriol Mestre. La tour abrite une piscine où l’on peut tremper les pieds et s’installer à  l’ombre des magnolias.

Jardins de la Casa Elizalde.- València, 302
La Casa Elizalde a été imaginée par Emili Sala en 1888. Cette maison bourgeoise accueille un centre civique et culturel. A là€™extérieur a été aménagée une pergola moderne, offrant un espace de jeu et de manifestation o๠là€™ancien et le moderne cohabitent à  merveille.

Jardins del Palau Robert.- Passeig de Gràcia, 105
Calme et tranquillité à  deux pas des artères commerçantes et du trafic. Divers palmiers composent ce jardin privé composé à  la fin du XIXe siècle par Ramon Oliva. Le Palau Robert a lui été conçu par un architecte français, Henry Grandpierre, et achevé en 1903. Il abrite la direction générale du Tourisme.

Jardins de Seminari.- Diputació, 231
Jardins de Carretera Antiga d’Horta.- Alí Bei – Roger de Flor
Placeta de Joan Brossa.- Rosselló, 191
Jardins d’Elena Maseras.- Rosselló, 163  (bâtiment des consultations externes de l’Hospital Clinic)
Jardins de Caterina Albert.- Rosselló, 381 
Jardins de Tete Montoliu.- Sepúlveda, 88 – 92 
Jardins de Mercè Vilaret.- Floridablanca, 141 
Jardins d’Ermessenda de Carcassona.- Comte d’Urgell, 145-147 
Jardins de Cà ndida Pérez.- Comte Borrell, 44 
Jardins de Carme Biada.- Roger de Llúria, 132
Jardins de M. Matilde Almendros.- Calàbria, 90-92 
Placeta de Marí­a Luz Morales.- Comte d’Urgell, 290-296
Jardins de Laura Albéniz.- Pau Claris, 182
Jardins de Constança d’Aragó.- Roger de Flor, 194