Claude Cahun au miroir

Derniers jours pour voir les photos de la Française Claude Cahun au Palau de la Virreina. Une grande rétrospective d’une artiste queer avant l’heure. Immanquable.


Claude Cahun surprend par sa modernité. Son audace intemporelle, son authenticité. Sa maîtrise de l’autoportrait de genre ou plutôt l’autoportrait sans genre précis. Car c’était tout le propos de l’artiste née Lucy Schwob (1894-1954), se jouer des volontés sociales de l’époque aux côtés de ses amis Surréalistes (avec André Breton en mentor, son ami admiré). Montrer l’androgynie, l’ambivalence des genres au-delà de tous codes et figures imposés. L’exposition organisée par le Jeu de Paume en coproduction avec le Palau de la Virreina Centre de la Imatge, est visible dans le très beau palais barcelonais Palau de la Virreina, jusqu’au 5 février 2012. Promenade.

« Masculin ? Féminin ? Mais ça dépend des cas. Neutre est le seul genre qui me convienne toujours. », cette phrase de Claude Cahun donne une idée de son travail photographique et en particulier de ses autoportraits. Sans doute l’une des premières à produire ce qu’on appelle aujourd’hui une autofiction, à travers la photographie et l’écriture. Nous sommes en 1917, Claude Cahun écrit beaucoup et se photographie. Des autoportraits où elle se met en scène dans différents costumes, couleurs et coupes de cheveux, allant même jusqu’à les raser. Confondre les genres est son propos. Avec l’illustratrice Suzanne Malherbe, alias Moore, qui deviendra sa compagne de coeur et d’oeuvre, notamment pour l’illusration de certains de ses livres, elle va bouleverser les concepts de genre, masculin-féminin. Ses autoportraits sont aussi des mises en scènes (I’am training don’t kiss me, 1927). Proche des surréalistes, intime d’André Breton qu’elle idéalise, Claude Cahun se joue de tout, et principalement des idées reçues, du conformisme. Elle défend Oscar Wilde et met au défit la société à travers toute son oeuvre, photographique ou littéraire. Son ouvrage Aveux non avenus, est une sorte de collage ou photomontage racontant qui elle est. Car Claude Cahun, comme tout artiste, se raconte sans cesse à travers son oeuvre. Une manière de narcissisme en forme d’activisme doux qui ne la quitte pas. Car ses photos dépeignent une soif de se montrer à la fois telle qu’elle est mais aussi telle qu’elle ne veut pas être : une simple image. Ainsi, elle apparaît souvent grimée, des maquillages parfois mystiques tout droit inspirés du symbolisme et du courant orientaliste qui avait cours en France et ailleurs au XIXe siècle.

Dans les années 30, face à la montée des extrémismes, elle rejoint des groupes de gauche, voire d’extrême gauche, aux côtés des surréalistes. Plus tard, lorsque l’armée allemande occupe une partie de la France, elle envoie des tracts anonymes raillant les milices qui les conduiront, elle et Suzanne Malherbe, dans un camp de concentration. Condamnées à mort, elles décident d’un suicide à deux, mais échouent. Elles échapperont à leurs bourreaux de justesse, la Libération les sauve. Une vie militante et queer, une artiste face au miroir, Claude Cahun jusqu’à la fin.

 © Corinne Bernard, décembre 2011. Photos : © Claude Cahun.

Exposition visible jusqu’au 5 février 2012, au Palau de la Virreina, Barcelone (La Rambla, 99). Du mardi au dimanche, de 12h à 20h. Entrée libre.

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