Le Corbusier et Jean Genet dans le Raval

L’Expo Le Corbusier et Jean Genet dans le Raval offre à voir les transformations des villes et les implications sociales qu’elles suscitent. Où l’on observe comment les habitants du Raval ont appréhendé la transformation successive de leur quartier, dès la fin des années 30. À voir au MACBA.

 

L’Expo Le Corbusier et Jean Genet dans le Raval donne à voir les transformations des villes et les implications sociales qu’elles suscitent. Où l’on observe comment les habitants du Raval ont appréhendé la transformation successive de leur quartier, dès la fin des années 30. À voir au MACBA, à Barcelone, jusqu’au 21 octobre.

Avec le documentaire En construcción, qui démarre l’exposition du MACBA, José Luis Guerín filme la transformation de la Rambla del Raval et d’autres parties du célèbre 5e arrondissement de Barcelone, ancien Barrio Chino. Le distrito 5 a toujours été une sorte de no man’s land qui connaissait un taux de mortalité de 20 % au cours des années 30. C’est dans ce quartier que vivait la population la plus désœuvrée, issue de Catalogne mais aussi d’autres régions pauvres d’une Espagne alors isolée du reste du monde. Jean Genet en avait fait son quartier, pour ses marginaux, ses habitant qu’il aimait. Il y séjourne en 1932. Lui, est un marginal parmi les autres et passera un bout de temps en compagnie des prostituées, gitans, cloches, travestis… marins américains de passage. Le Journal du voleur, publié en 1949,  raconte une tranche de péripéties de celui qu’on appelait alors le Barrio Chino, quartier interlope par excellence. Le Corbusier est plus adepte d’une architecture suivant les théories hygiénistes d’assainissement des quartiers insalubres initiées au XIXe siècle par Pasteur. Il participe alors au projet Pla Macià, pour une « Nouvelle Barcelone », en 1936. Il s’agissait alors d’éradiquer la dégradation sociale de certains quartiers de la capitale catalane. A contrario de Jean Genet qui était pour une marginalisation pérenne, source d’une certaine forme de liberté, Le Corbusier est pour la réfection du quartier et d’autres lieux obsolètes visibles dans la capitale catalane.

Les Building Cuts de Gordon Matta-Clark

L’expo offre un parcours documenté où  Genet et Le Corbusier croisent des mobiles de Calder, des autoportraits de Tàpies, des toiles de Dali, des photos de Brassaï, des sculptures de Joan Miró…  Il s’agit avant tout de montrer l’influence des artistes et architectes sur la mise en espace d’une ville. Les habitations, l’agencement des rues qui font la ville et ses habitants. Et puis avec le génial et inclassable Gordon Matta-Clark (1943-1978) et ses Building-Cuts… On observe l’utopique et pourtant réelle découpe d’immeubles, de demeures anciennes, des vestiges du passé sur le point de rendre l’âme. Il opère alors une sorte de recomposition d’une structure vouée à une démolition prochaine. L’exposition présentée ici, montre  l’artiste new-yorkais découpant lui-même un bâtiment voué à la démolition, à Anvers (Office baroque, 1977). Un activisme urbain non dénué de poésie où il s’agit de donner comme une deuxième vie, créer une œuvre d’art à partir d’une architecture délabrée. En ce sens, Gordon Matta-Clark est plus proche de Genet, par sa propre marginalité aussi, celle qui consiste à réécrire, réinventer, rénover des objets existants. Des trous dans les murs, le sol, le toit, qui font entrer la lumière rayonnante dans un immeuble vieux, un supplément d’âme. Aujourd’hui, en 2012, le quartier du Raval après la dernière rénovation opérée en 2000, sa fameuse promenade, ou Rambla del Raval, voit naître une nouvelle population. Un peu plus aisée, moins extravagante, exit les marginaux paumés rencontrés dans Le Journal du voleur. Malgré cette volonté politique d’assainissement, l’essence de l’ancien Barrio Chino demeure à jamais. Et l’on observe qu’un certain tourisme continue de le contourner, préférant d’autres quartiers.

Le Centre Beaubourg vu par Rossellini

L’exposition se termine par le dernier film de Roberto Rossellini, génie du Néoréalisme italien. En 1977, il filme, sans paroles et sans fioritures, les réactions des visiteurs découvrant pour la première fois le Centre Pompidou. Le Centre Georges Pompidou présente le premier volet du projet Rossellini 77. L’œuvre de l’architecte Renzo Piano avait suscité de nombreuses controverses en raison de son avant-gardisme. Elle était la première architecture parisienne exhibant ses entrailles, tuyaux, tubes, boulons… Scandale aussi en raison des transformations de tout un quartier populaire qui traversait par le même temps un véritable processus de gentrification (démolition aussi de l’ancien marché des Halles). Avec Beaubourg, tout comme avec le nouveau Raval, à Barcelone,  de nombreux habitants des Halles et environs perdaient leurs repères. Au final, le film de Rossellini plonge le spectateur dans l’histoire de tous les quartiers populaires des grandes ville. Faire c’est défaire aussi.

© Corinne Bernard, septembre 2012. 

Photos : 1) Alexander Calder, Sans titre, 1931. Col·lecció MACBA. Fundació MACBA. © Alexander Calder, VEGAP, Barcelone, 2012. 2) Gordon Matta-Clark. Office Baroque, Views of 2nd Floor and Removed Section [Documentation projet « Office Baroque » realisé à Anvers, Belgique], 1977. Collection MACBA. Fundació MACBA. Collection LATA
© Estate of Gordon Matta Clark, VEGAP, Barcelone, 2012. Photo de Vanessa Miralles.

Le Corbusier y Jean Genet en el Raval, exposition visible au MACBA (Plaça dels Àngels, 1), Barcelone, jusqu’au 21 octobre 2012. Métro : Universitat. www.macba.cat

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