Une projection matinale d’un film de Gaspar Noé peut être un vrai choc sensoriel auquel on adhérera dès les premières scènes, ou pas. Se laisser aller, ouvrir les portes de l’univers du cinéaste. Sinon, quitter la salle. Inspiré du Livre des Morts tibétain, Enter the Void est un voyage visuel et sensoriel au-delà de la mort. Un voyage vers l’éternité chère aux bouddhistes. Nous sommes à Tokyo. Un Tokyo de néons colorés, ses bas-fonds, ses Love Hotel. Oscar est dealer, sa soeur Linda, strip-teaseuse. Tout commence par un trip sous acides. Oscar a rendez-vous dans un bar sordide de la ville (The Void) pour retrouver un junky. Il s’y rend, décalqué, accompagné d’Alex, l’artiste peintre qui lui a prêté le Livre des Morts. Dans le bar, tout tourne mal. Tandis qu’Oscar tente de faire disparaà®tre la drogue dans les toilettes, les flics l’abattent. C’est là que tout démarre vraiment. Le spectateur est embarqué dans un voyage vers l’infini via une caméra subjective. L’âme de la victime refusant de quitter le monde des vivants, voyage à travers présent, passé et futur. La drogue, la mort des parents (scène choc de l’accident de voiture, comme souvent chez le réalisateur de Irréversible). Des images hallucinogènes, le héros filmé de dos, une caméra qui survole la ville et les personnes qui ont connu Oscar. La musique, omniprésente, hypnotique, des plans kaléidoscopiques, très 70’s (scènes de trip sous acides) donnent au spectateur la sensation d’être en état d’apesanteur. Décidément, on entre ou pas dans l’univers décalé de Gaspar Noé. Court entretien avec le réalisateur
Votre film parle du Livre des Morts, croyez-vous en la réincarnation?
Ce livre est une sorte de bible bouddhiste, il s’agit d’un texte lu aux mourrants et pendant les 49 jours qui suivent leur mort. Il est censé aider l’esprit du mort à aller vers la lumière, vers la réincarnation. Il y a des montagnes de livres de ce genre, très intéressants, il y a une envie collective
de réincarnation, moi je ne crois pas en l’immortalité de l’âme… Jung a écrit un livre sur les soucoupes volantes, j’adore ce bouquin bien que je ne croie pas au soucoupes… je pourrais aussi bien faire un film sur ce sujet.
Il y a des similitudes avec l’univers de Jodorowsky, son cà´té mystique…
La Montagne Sacrée est un film complètement barré… Oui, on a beaucoup travaillé l’image pour lui donner cet aspect onirique.
Trouver un acteur (Nathaniel Brown) qui accepte d’être filmé de dos pendant tout le film… comment avez-vous fait?
C’est un non-professionnel qui travaille dans le monde de l’image. Tourner avec nous était pour lui un moyen de reconnaissance, de découvrir Tokyo. Je n’aurais pas pu faire appel à un professionnel, en raison de leur ego. Je voulais quelqu’un qui soit avec moi et ne pas avoir à jouer les infirmières . Un acteur professionnel n’aurait jamais accepté un rà´le o๠on ne le voit pas de face.
La fin est obscure, o๠se réincarne l’âme d’Oscar lors de la scène de l’accouchement?
On a filmé avec la mère (la mère des enfants Oscar et Linda, Ndlr), mais on ne voit pas vraiment son visage, on a voulu brouiller les pistes… on revient à la case départ.
à© Propos recueillis parà Corinne Bernard, oct. 09. Photo : Jean-Benoit Kauffmann.
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