Polisse, le film au 13 nominations aux Césars, prix du jury à Cannes 2011, enfin à l’affiche en Espagne. Où la brillante cinéaste Maïwenn raconte le quotidien de la Brigade de protection des mineurs. À ne pas manquer, évidemment.
Mélissa (Maïwenn) shoote le quotidien de la BPM, à Paris.
Polisse raconte le quotidien des flics de la BPM (Brigade de protection des mineurs) confrontés aux violeurs, pères incestueux et autres désaxés menaçant les plus fragiles. Plutôt que de s’attarder sur les cas (tirés au passage d’histoires réelles), Maïwenn préfère filmer l’intimité de ces flics au jour le jour. L’oeil de Mélissa, héroïne-photographe discrète mandatée pour la réalisation d’un livre par le Ministère de l’intérieur, montre l’unité de police sous un jour intime. Maïwenn, elle-même, interprète la jeune photographe. Avec toujours cette manière de fiction-vérité qui pose le spectateur en témoin, Maïwenn nous mène très loin dans les chamboulements moraux. Car, comment faire avec l’horreur de l’inceste ou de l’abandon d’enfant ?… Comment vivre avec ces témoignages d’un père incestueux qui trouve ça normal ou d’un grand-père qui ne comprend pas ce que lui reproche sa petite-fille, d’une mère SDF prête à abandonner son enfant pour qu’il ne dorme plus dehors avec elle ?… La réalisatrice choisit de nous rendre attachants chacun de ces flics, de shooter l’indicible au-delà des apparences comme le fait Mélissa avec son Leika. La descente dans le camp de Roms où les enfants sont embarqués pour ne plus être les travailleurs-esclaves de leurs parents, l’une des scènes clé du film, n’est évidemment pas sans rappeler un épisode sombre de ces dernières années. Et Polisse est alors comme un désir fort de rendre une humanité à des personnes en perpétuelle bataille entre l’amour et la haine. Mélissa et son appareil photo ne les juge pas, à tel point que cela déconcerte certains des flics qu’elle suit quotidiennement. Il y a énormément de coeur chez Maïwenn, cinéaste. Peut-être trop. Ça déborde de force fragile et on en redemande. Après avoir rendu des comptes avec sa propre famille dans son premier long-métrage à tendance border line (le chaotique Pardonnez-moi, 2006), Polisse affiche une maturité plus accomplie. Maïwenn a le talent des artistes qui ont souffert. De ceux qui font tout pour être aimés parce qu’ils ont connu l’absence, la négligence, voire l’abandon. L’absence de coeur. Alors… ces flics, héros mal aimés, sont-ils d’abord des humains avec leurs cicatrices ? Maïwenn, à fleur de peau, comme eux, tente une réponse à la question. Et si le film nous pousse dans nos retranchements, il déploie le talent sans bornes d’une grande cinéaste.
© Corinne Bernard, février 2012.
Polisse, un film de Maïwenn, avec Karin Viard, Marina Foïs, Joey Starr, Nicolas Duvauchelle… À l’affiche en Espagne, le 24 février 2012.